Traitement naturel contre le varroa
Introduction
Le varroa (Varroa destructor) est sans doute l'un des plus grands fléaux de l'apiculture moderne. Cet acarien parasite, originaire d'Asie, s'est répandu dans le monde entier et cause des ravages parmi les colonies d'abeilles occidentales. Alors que les traitements chimiques traditionnels montrent de plus en plus leurs limites (résistances, résidus dans les produits de la ruche), les méthodes naturelles de lutte contre le varroa connaissent un regain d'intérêt. Dans cet article, nous explorons les différentes approches biologiques pour contrôler ce parasite tout en préservant la santé de vos abeilles et la qualité de leurs produits.
Comprendre le varroa pour mieux le combattre
Avant d'aborder les traitements, il est essentiel de comprendre le cycle de vie du varroa et ses impacts sur les abeilles :
- Cycle de reproduction : Le varroa femelle pénètre dans les cellules de couvain juste avant leur operculation, pond ses œufs et se reproduit à l'abri dans la cellule operculée.
- Impact sur les abeilles : En se nourrissant de l'hémolymphe (sang) des abeilles, le varroa affaiblit les individus, réduit leur durée de vie et transmet des virus.
- Dynamique de population : Sans intervention, la population de varroas double environ tous les mois dans une colonie active.
Point important
Une approche intégrée combinant plusieurs méthodes naturelles est généralement plus efficace qu'une méthode unique. La surveillance régulière des niveaux d'infestation est également cruciale pour ajuster votre stratégie.
Méthodes biotechniques
Ces méthodes n'utilisent pas de substances chimiques et exploitent les particularités biologiques du varroa :
Le piégeage dans le couvain de mâles
Le varroa a une préférence marquée pour le couvain de mâles, où sa reproduction est plus efficace :
- Placez un cadre avec une amorce de cire (ou un cadre spécial pour couvain de mâles) dans la ruche au printemps.
- Les abeilles y construiront des cellules de mâles que la reine viendra pondre.
- Lorsque le couvain est operculé, retirez le cadre, éliminez-le ou congelez-le pour tuer les varroas.
- Répétez l'opération plusieurs fois au printemps et en été.
Cette méthode peut éliminer jusqu'à 50% des varroas présents dans la ruche si elle est pratiquée régulièrement.
L'interruption de ponte
Sans couvain operculé, le varroa ne peut pas se reproduire et reste exposé sur les abeilles adultes :
- Encagez la reine pendant 24 jours pour interrompre le cycle de ponte.
- Tout le couvain naîtra pendant cette période, privant les varroas de leur site de reproduction.
- Appliquez ensuite un traitement contre les varroas phorétiques (présents sur les abeilles adultes).
Cette technique est particulièrement efficace en fin de saison, avant la préparation pour l'hiver.
Traitements naturels par substances
Ces approches utilisent des substances naturelles ayant un effet acaricide mais présentant peu ou pas de risques pour les abeilles et la qualité du miel :
Les acides organiques
Acide oxalique
Naturellement présent dans certains végétaux, l'acide oxalique est très efficace contre les varroas phorétiques :
- Par dégouttement : Solution d'acide oxalique et de sucre appliquée directement sur les abeilles entre les cadres.
- Par sublimation : L'acide est chauffé pour produire une vapeur qui se dépose dans la ruche.
Cette méthode est idéale en l'absence de couvain (hiver ou après encagement de la reine).
Acide formique
Présent naturellement dans le venin des fourmis :
- Utilisé sous forme de diffuseurs à libération lente placés dans la ruche.
- Seul acide capable de pénétrer les opercules et d'atteindre les varroas dans le couvain.
- À utiliser avec précaution car peut être agressif pour les abeilles et le couvain si mal dosé.
L'acide formique est particulièrement utile pendant la saison active quand il y a du couvain.
Les huiles essentielles
Thymol
Extrait du thym, le thymol a des propriétés acaricides reconnues :
- Disponible sous forme de préparations commerciales (gel, cristaux, plaquettes).
- Placé dans la ruche, il se diffuse lentement et tue les varroas par contact.
- Efficacité optimale entre 15°C et 30°C.
Le thymol peut modifier légèrement l'odeur du miel s'il est utilisé pendant les miellées, il est donc préférable de l'appliquer après la récolte.
Autres huiles essentielles
Des recherches montrent que d'autres huiles essentielles ont des effets prometteurs :
- Menthe poivrée, eucalyptus, lavande
- Ces huiles peuvent être utilisées en mélange avec du sirop ou incorporées à des bandelettes de tissu placées dans la ruche.
Précaution importante
Même naturels, ces produits doivent être utilisés avec prudence et selon les dosages recommandés. Une concentration trop élevée peut être nocive pour les abeilles ou la reine.
Renforcer la résistance naturelle des abeilles
Une approche à long terme consiste à sélectionner et élever des abeilles naturellement plus résistantes au varroa :
Sélection génétique
- Comportement hygiénique : Certaines souches d'abeilles détectent et éliminent plus efficacement le couvain infesté.
- Comportement VSH (Varroa Sensitive Hygiene) : Capacité spécifique à détecter et éliminer le couvain contenant des varroas en reproduction.
- Épouillage (grooming) : Comportement par lequel les abeilles se débarrassent mutuellement des varroas.
Réduction de la taille des cellules
Certains apiculteurs pratiquent la réduction de la taille des cellules (4,9 mm au lieu de 5,4 mm) :
- Réduit la durée d'operculation, perturbant le cycle reproductif du varroa.
- Les résultats sont variables selon les études et les contextes.
Protocole annuel de lutte naturelle contre le varroa
Voici un exemple de calendrier intégrant plusieurs méthodes naturelles :
- Printemps (mars-avril) : Piégeage dans le couvain de mâles tous les 21 jours.
- Début d'été (juin) : Contrôle du niveau d'infestation par comptage des chutes naturelles ou test au sucre glace.
- Fin d'été (août, après récolte) : Traitement au thymol ou à l'acide formique.
- Automne (octobre-novembre) : Interruption de ponte suivie d'un traitement à l'acide oxalique.
- Hiver (décembre) : Traitement à l'acide oxalique en l'absence de couvain.
Conclusion
La lutte naturelle contre le varroa est un aspect fondamental de l'apiculture durable. Bien que ces méthodes demandent plus d'attention et de travail que les traitements chimiques conventionnels, elles présentent l'avantage de préserver la qualité des produits de la ruche et de limiter le développement de résistances chez les varroas.
L'efficacité de ces approches repose sur une bonne compréhension de la biologie du parasite, une surveillance régulière des niveaux d'infestation et une combinaison judicieuse de différentes techniques. En adoptant une stratégie globale et en restant vigilant, il est tout à fait possible de maintenir des colonies saines avec des méthodes respectueuses de l'environnement.
N'oubliez pas que chaque rucher est unique et que les traitements doivent être adaptés à votre situation particulière : climat local, niveau d'infestation, force des colonies et périodes de miellée.